Pressure

Pressure

Pressure de Saveur Tomato, 2021. Tous droits réservés.

« C'est absolument inacceptable ! Nous ne saurions le tolérer ! »

La voix tonitruante de Robonier remplissait la grande salle du trône d'un écho long et claquant. Son visage rond était rouge de colère, les sourcils broussailleux froncés et il ponctuait ses phrases de grands gestes des bras. Son plaidoyer féroce et sonore était continu, on aurait dit qu'il pouvait argumenter des heures durant sans jamais reprendre son souffle.

« Un membre de la famille impériale et une gardienne de l'Ordre des Tournesols ! C'est d'une extrême gravité ! Certains pourraient qualifier ça d'hérésie ! »

Puisque Robonier ne semblait pas vouloir s'arrêter ni se calmer, l'impératrice qui commençait à avoir mal à la tête, le fit pour lui.

« Il suffit ! ordonna-t-elle d'une voix puissante et autoritaire.
— Mais, que Votre Éminente Grâce se rende compte ! continua Robonier sans se soucier de l'injonction qui lui avait été faite.
— SILENCE ! » hurla alors l'impératrice.

Et le silence se fit. Tous ceux qui assistaient à la scène retinrent leur souffle, on avait osé ignorer un ordre de l'impératrice. Robonier, lui aussi, réalisa qu'il avait franchi une limite et baissa promptement les yeux.

« Grand Inquisiteur Robonier, je comprends votre colère, votre indignation et votre frustration, mais je préfère vous prévenir, avisez-vous encore de m'ignorer et aucun titre ne saura vous sauvegarder de mon courroux.
— Je prie à Votre Éminente Grâce de bien vouloir excuser mon comportement, dit Robonier sur un ton suppliant en fixant le bout de ses chaussures.
— Bien. En ce qui concerne le prince, mon fils, dit l'impératrice tout en fixant d'un regard noir Marcus, qui était à genoux, fers aux mains et au cou. L'Église ne saurait avoir l'autorité suffisante pour punir un membre de la famille impériale. Je vous ordonne par conséquent de le relâcher, ici et maintenant. Cette affaire sera réglée en interne.
— Mais ! lâcha Robonier sans le vouloir avant de se raviser. Fort bien, comme il plaira à Votre Éminente Grâce. »

Robonier fit un signe de tête aux paladins qui retenaient le prince, et ceux-ci, sans un mot, s'employèrent à défaire ses liens. Une fois libéré, Marcus se releva avec effort. Il était encore torse nu et son corps était couvert de sueur. S'il avait été torturé, aucune trace d'un tel traitement n'était visible sur sa peau.

« Qu'on lui fasse couler un bain, dit l'impératrice aux deux servantes qui accouraient pour aider le prince à marcher. Et qu'on le confine à ses appartements, dit-elle à l'un des gardes près du trône. Grand Inquisiteur Robonier, à moins que vous n'ayez une autre affaire à régler avec moi, vous pouvez disposer. Qu'on les escorte, lui et ses hommes, hors du palais.
— Si je puis me permettre, tenta Robonier. Les fidèles demanderont des comptes lorsque cette affaire s'ébruitera. Si le peuple apprend que les membres de la famille impériale fricotent avec n'importe qui, la colère populaire risque de se faire sentir.
— Je le sais bien, soupira Antaress Ⅱ. Mais que voulez-vous que j'y fasse. Le Prince sera puni, de cela, le peuple peut en avoir la certitude, n'est-ce pas suffisant ?
— Votre Éminente Grâce sait bien que non, malheureusement. Je prie Votre Éminente Grâce de ne pas seulement penser au prince, mais surtout à l'héritière de Votre Divine Personne, la princesse Antaress. Je n'ose imaginer le risque qu'elle pourrait courir lorsque tous les petits nobliaux de l'empire apprendront qu'on peut trousser…
— Pas un mot de plus Robonier ! ordonna l'impératrice.
— Puisse Votre Éminente Grâce me pardonner, mais elle sait que j'ai raison.
— Que voudriez-vous que je fasse ?
— Ma Divine Souveraine, vous le savez. Il n'y a qu'un seul châtiment qui saurait racheter la faute d'un prince souillé. »

Après un long moment de silence, Antaress murmura du bout des lèvres, une larme naissante au coin de l'œil : « Je n'ose m'y résoudre… »

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