Swift

Swift

Swift de Plume de Marmotte, 2017. Tous droits réservés.

Au rythme de ses talons qui frappent le béton, les pigeons suivent du regard sa course effrénée de toits en toits. Arrivée à un bord, sans s'arrêter, elle prend appui et s'élance. Elle s'élève au-dessus de l'avenue bondée et depuis l'obscurité des sommets elle jette un œil à la marrée de lumières colorées que projette la foule d'indolents. Si sur le cours d'une seconde le temps semble se figer, très rapidement la mosaïque s'efface pour laisser place, de nouveau, à l'obscurité lorsqu'elle atteint le prochain toit. Reprenant sa course, mentalement, comme un routine, elle se prépare à ce qui l'attend : ce n'est pas le premier nœud qu'elle infiltre, mais c'est probablement le mieux protégé du secteur.

Oppressée par l'enjeu, le stress l'a fait se précipiter. Accumulant les erreurs ; un voyant par ci, une camera par là, elle se presse toujours plus. Le cercle vicieux fini par se refermer, et lorsqu'elle atteint une salle machine, par-dessus l'assourdissant bruit de la ventilation, retenti une sirène stridente. De la pénombre, la pièce est soudainement baignée par le rouge de l'alerte. Elle le sait, non loin, les forces de sécurité convergent déjà vers sa position.

Hors de question de se laisser prendre. Elle choisit la seule solution qui lui paraît viable. Dans la ventilation, elle rampe et s'éloigne le plus possible de la sécurité. Mais, prise au piège dans un labyrinthe de conduites obscures, ne pouvant compter ni sur la vue, ni sur l'ouï, ni sur un fil d'ariane, elle avance tant bien que mal, se concentrant pour ne pas perdre la raison. Car depuis des jours perdue dans les limbes et avançant sur le ventre, ses yeux aveugles lui font voir des hallucinations.

Au loin, derrière les plaines craquelées, elle aperçoit, un grand château sein de sept murailles. Par-delà les sept portes, elle distingue de vertes prairies qui lui sont inaccessibles. Continuant son pèlerinage, au fur et à mesure qu'elle approche, à l'horizon se dessine un gigantesque orbe de flammes. Sa lumière blanche inonde son champ de vision. Enfin, elle peut se lever.

Reprenant ses esprits, elle met quelques instants à comprendre où elle est : dans un puits d'aération. Cette gigantesque structure hexagonale est un grand faussé d'où toutes les conduites partent et où elles se rendent. En contrebas, le puits donne sur une rue bondée : la liberté. Mais il y a un dernier obstacle sur sa route, une hélice à trois pales qui tourne à toute vitesse sur toute l'envergure du puits. Déjà, son subconscient lui envoi des images de chair découpée et broyée, elle les balaie. La concentration fait monter l'adrénaline dans son corps, son métabolisme et son rythme cardiaque s'accélère. L'écoulement du temps ralenti lui fait percevoir une vitesse de rotation accessible. Elle focalise son attention sur les pales, elle prend le rythme, un, deux, et elle s'élance.

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