Poison de Plume de Marmotte, 2017. Tous droits réservés.
Loin au nord, dans les grandes steppes froides, sur un versant de colline proche d'un lac, se trouvait une charmante petite ville. En son sein, tout de pierre blanches construit, trônait le château du baron. Celui-ci culminait au-dessus des petites cheminées de la ville, telle une lance dans un champ de poignards. Le seigneur était bienveillant et assurait à ses gens une vie saine et confortable. Dans ce petit coin de paradis frisquet, même les paysans avaient une belle vie à base de plantes grasses, de fourrage et de bétail à fourrure.
Le baron, qui comme le savait chacun des habitants du bourg était doté de la plus grande des sagesses et d'une curiosité d'érudit, avait mille passions. Cependant, tel que pouvaient en attester les lavandières du lac, il aimait par-dessus tout étudier l'anatomie humaine.
Il pouvait passer des semaines entières à mesurer les courbes d'une paire de jambes, le volume d'un buste saillant ou la couleur virginale d'une peau de jeune fille. Puisque sa science demandait, selon lui, une implication implacable, il ne prenait que très peu de repos de sa routine quotidienne de hanches, de cuisses et de seins.
À mesure que les passions du baron étaient assouvies, la tristesse de la baronne grandissait. Le défilé incessant de ses sujets d'études était pour elle une douleur constante. Plus elle vieillissait, plus le spectacle lui devenait insupportable et plus la souffrance de savoir sa vertu inintéressante aux yeux de son baron de mari devenait assourdissante.
Finalement, elle transforma sa douleur en colère et sa colère en force. Animée par la rage de celle qu'on trahit jour après jour pendant des années, elle dépensa une fortune chez un marchant exotique venu d'orient afin de se procurer un petit flacon. Patiemment, elle attendit alors la meilleure occasion, qui se présenta lors du solstice d'hiver.
Il était de tradition dans la baronnie que pour la nuit la plus longue de l'année, le seigneur offre à ses sujets un bol de soupe afin de leur tenir chaud. Cette tradition prenait la forme d'un grand banquet dans la salle de réception du château où tous les sujets étaient conviés.
Aveuglée par sa rage bouillonnante, la baronne, vous vous en doutez, empoisonna la soupe avant de prendre place au banquet, un sourire narquois aux lèvres. Jubilante, elle ne pouvait s'empêcher de rire pendant le discours de son mari. Celui-ci, qui quelques instants plus tôt se gargarisait de son éloquence, après la première cuillerée, s'effondra, animé de spasmes incontrôlés, mousse aux lèvres, gargarisant.